Le ciel, par le hublot !

Temps des vacances.
L’annonce est toute petite dans mon journal : 5 milliards de passagers pour zébrer le ciel de 2024. Les hublots sont les écrans du dépaysement. Tutoyer les sommets, questionner l’infini, suspendu dans le vide et la confiance, par-dessus les nuages et les frontières. Que se passe-t-il, au loin, en bas, dans le bleu de la distance ? L’altitude embrume le monde de mystères pour nos regards silencieux.
Temps de vacance.
Prendre de la hauteur, quitter l’ornière, lever les yeux, ressentir du neuf, vibrer de joie… nous sommes les passagers, heureux de quitter le connu, le régulé, le quotidien, pour déloger les surprises de la beauté. Les photos partagées en nourrissent le désir : paysages grandioses, tables au soleil, plongées dans le bonheur.
Temps de vacance.
Voici le temps du voyage. Nous sommes des nomades du bonheur, et l’autre, celui que je rencontre, y compris celui que je connais, vient d’ailleurs. Prendre la bonne place en face de lui et la meilleure distance pour le regard, l’attention émerveillée, l’écoute de présence. Son visage, sa respiration, ses gestes sont les traces de transhumances, une histoire riche d’instants de perle et burinée d’absences. Aimer celui qui est de mon voyage, l’aimer d’être lui, avec ses mystères, oser s’approcher de la petite fenêtre de co-naissance.
Temps de vacance.
L’été pour partager le frémissement d’existence. Et quand les places, les arts, les écrits me parlent, c’est pour interroger mon goût de l’autre, offrir les vibrations des mains que les artistes ont laissées dans leur chemin de nomades.
Voici le temps de voyage pour l’âme humaine, un hublot rempli de ciel: rencontrer sans prendre, partager le banc sans fuir le présent, accompagner nos murmures d’une parole de l’invisible, non pas un credo de certitudes, mais un souffle de gratitudes, une respiration de bord de rivière, un bruissement de forêt, un rire d’enfant.
Nous rendre capables de partir, prendre l’envol des visages : le bleu des yeux, le rouge du cœur, le noir des pupilles pour colorer le vitrail du ciel et peut-être même redessiner l’allée de Dieu.
Hubert Batteux